Le Jeûne (Ṣawm / Ṣiyām) dans le Coran : sens, portée et remise en question
I. Étymologie et occurrences coraniques
La racine ص‑و‑م évoque l’idée de retenue volontaire. On la trouve notamment dans :
- 19:26 : Maryam s’abstient de parler aux humains – ṣawm signifie ici silence (« je ne parlerai pas »).
- 2:183 : « Le ṣawm vous a été prescrit (kutiba ‘alaykum) comme à ceux d’avant vous, afin que vous atteigniez la piété (taqwā). » Erreur courante :
Beaucoup de traductions traduisent yuṭīqûnahu (ceux qui le peuvent) par
"ne le peuvent pas" , inversant le sens. Le Coran offre donc une
liberté : jeûner est mieux, mais pas imposé.
- 2:184 : exceptions pour malades et voyageurs, avec alternative caritative – « wa in taṣūmū khayrun lakum » : « si vous vous abstenez, c’est mieux pour vous », non « vous devez ».
- 2:185 : lien avec la publication du Coran (shahr) – voir article sur shahr.
- 2:187 : « …jusqu’à ce que le fil blanc de l’aube… puis achevez le ṣawm jusqu’à la nuit… » – métaphore visuelle.
- 4:92 : expiation du meurtre par libération d’un esclave ou… « ṣiyāmun shahrayn mutatābi‘ayn » (deux ṣawm suivis) – ici le mot garde son sens d’abstinence rituelle.
- 5:89 : kuffāra des serments brisés – alternative ṣawm thalāthati ayyām (trois jours de ṣawm).
- 5:95 : kuffāra pour chasse interdite en état de sacralité – possible ṣawm.
- 58:4 : kuffāra pour rupture de serments – ṣawm shahrayn mutatābi‘ayn ou nourrir soixante pauvres.
II. Le statut coranique : prescription vs obligation
Le verbe kutiba (« a été écrit / prescrit ») n’implique pas mécaniquement l’obligation formelle. Il désigne un cadre éthique : le ṣawm est un moyen d’atteindre la taqwā et non un fardeau imposé sans vision.
- 2:183 – « kutiba ‘alaykum al‑ṣawm » : analogue à d’autres « prescriptions » coraniques (hajj, zakāt…), parfois suivies de dispenses.
- 2:184 – flexibilité : malades et voyageurs sont exemptés, puis recompensés par jeûne ou charité.
- 2:185 – « Allāh veut pour vous la facilité » : l’abstinence ne doit pas devenir souffrance.
III. Objectifs spirituels et sociaux
- Taqqwā (piété) : le ṣawm renforce la maîtrise de soi, la discipline, et l’empathie envers les nécessiteux.
- Justice (adl) : liée à la taqwā (5:8), elle s’exerce dans la sobriété et le partage.
- Solidarité : la possibilité de compenser par la nourriture du pauvre crée un lien social.
- Étude et méditation : certains exégètes voient dans le ṣawm un temps de retraite spirituelle et d’étude du Coran (cf. programme vipassana).
IV. Bienfaits et dangers pour la santé
Bienfaits potentiels | Dangers éventuels |
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Le Coran exhorte à adapter le ṣawm selon les capacités individuelles (2:184). Il n’est pas question de souffrance gratuite.
V. Le Ramadan : fondation coranique ou tradition ultérieure ?
Le mot Ramadān n’apparaît qu’une seule fois (2:185), relié à la révélation du message, sans détails rituels (horaires, nullation, niyya…). Les hadiths ont codifié les pratiques « du lever au coucher du soleil », mais celles‑ci relèvent d’une tradition post‑coranique.
VI. Conclusion
Le ṣawm coranique est avant tout une démarche morale et spirituelle de préservation et de retenue, visant la taqwā, la justice et la solidarité. Il n’est pas un simple rite alimentaire imposé, mais un choix éthique, modulable selon les capacités de chacun.
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