L’illusion du savoir : effet Dunning-Kruger et autorité religieuse

Dans notre exploration des termes du Coran, il est inévitable de croiser le chemin de ceux qui, sous couvert de science religieuse, brandissent des jugements définitifs, souvent déconnectés du texte divin. Ce phénomène psychologique est bien connu dans le monde moderne : l’effet Dunning-Kruger. Il désigne la tendance qu’ont les personnes les moins compétentes dans un domaine à surestimer leur savoir, précisément parce qu’elles n’ont pas conscience de leur ignorance. Et il semble s’appliquer à merveille à une grande partie de ce qu’on appelle aujourd’hui la "science du fiqh".

Ceux qui s’érigent en fuqahâ, en détenteurs autoproclamés de la compréhension du message divin, parlent avec une assurance disproportionnée. Ils alignent les hadiths, les avis d’écoles, les commentaires de juristes anciens… mais très peu s’arrêtent sur le texte coranique lui-même, mot à mot, verset par verset, dans sa cohérence interne.

Or, le Coran met justement en garde contre ce type d’aveuglement intellectuel, ce faux savoir fondé sur la tradition et la répétition. Le verset suivant est central :

« Nous avons certes mis des cadenas sur leurs cœurs, si bien qu’ils ne comprennent pas, et dans leurs oreilles une lourdeur. Et même si tu leur apportais toutes les preuves, ils ne croiraient pas, tant qu’ils ne l’éprouveront pas eux-mêmes. »
(Coran 6:25, reformulation contextuelle)

Ici, le mot qalb, souvent traduit mécaniquement par "cœur", ne désigne pas l’organe biologique mais le centre du discernement, du jugement intérieur, du système d'entendement. Le "qalb" est le lieu du basculer (racine Q-L-B), là où se retournent les certitudes, où se joue la capacité à accueillir une information et à en tirer un sens. Lorsqu’il est scellé, aucune donnée, aussi logique ou démontrée soit-elle, ne peut le pénétrer.

Ceux qui s’enferment dans l’illusion de leur savoir religieux sont ainsi incapables d’entendre ce que dit réellement le texte. Non pas parce que les versets sont obscurs, mais parce que leur système d’écoute (la "ouïe", samʿ) est court-circuité par leur orgueil et leur conformisme intellectuel.

Et c’est là que l’effet Dunning-Kruger devient un outil de lecture du monde religieux :

  • Ceux qui en savent peu (parce qu’ils ont seulement appris par cœur) pensent en savoir beaucoup.
  • Ceux qui creusent réellement, qui doutent, qui questionnent chaque mot, chaque racine, chaque lien entre les versets, sont souvent marginalisés ou accusés de sortir de la religion.

Mais le vrai savant est celui qui doute, qui questionne, qui reconnaît l’immensité de ce qu’il ne sait pas encore. C’est celui qui, face au Coran, désapprend pour mieux comprendre.

Résumé

  • L’effet Dunning-Kruger explique l’assurance aveugle de certains juristes religieux.
  • Le Coran dénonce cette fermeture intellectuelle par l’image des cœurs cadenassés et des oreilles bouchées.
  • Le mot qalb désigne le centre du raisonnement, non l’organe cardiaque.
  • Le vrai savoir coranique commence là où l’illusion du savoir s’effondre.

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