L’héritage d’Ibn Taymiyya et la répression de la raison dans l’islam contemporain
Au 13e siècle, le théologien Ibn Taymiyya (1263-1328) a marqué un tournant dans la pensée islamique en rejetant violemment l’usage de la raison (‘aql) dans les questions religieuses. Ses écrits, qui condamnent la philosophie et le rationalisme, ont inspiré des courants rigoristes comme le wahhabisme et les Frères musulmans, qui dominent aujourd’hui une grande partie du paysage religieux musulman.
Pourtant, cette hostilité envers la raison contraste fortement avec l’héritage de penseurs comme Ibn Rochd (Averroès, 1126-1198), qui défendait l’harmonie entre la foi et la philosophie. Ibn Taymiyya a non seulement brûlé ses livres, mais il a aussi contribué à marginaliser la pensée critique dans l’islam sunnite.
Aujourd’hui, de nombreux hadiths et interprétations religieuses, souvent attribués à des sources comme Boukhari et Muslim, véhiculent des idées irrationnelles, voire contraires au Coran lui-même. Examinons quelques-unes de ces aberrations.
1. La condamnation de la raison (‘aql) et de la philosophie
Ibn Taymiyya considérait que l’usage indépendant de la raison en matière religieuse était une innovation blâmable (bid’a), voire une « abomination diabolique » (waswasa shaytaniyya). Pourtant, le Coran encourage à plusieurs reprises la réflexion :
« Ne réfléchissent-ils pas sur le Coran ? Ou y a-t-il des cadenas sur leurs cœurs ? » (Sourate 47, Verset 24)
« Dis : ‹Je vous exhorte seulement à une chose : que vous vous leviez pour Allah, par deux ou un seul, et qu’ensuite vous réfléchissiez.› » (Sourate 34, Verset 46)
Mais certains hadiths découragent la pensée critique :
« Celui qui discute sur le Coran est un mécréant. » (Tirmidhi, jugé da’if)
« Les raisonneurs (ahl al-kalâm) sont les pires des créatures. » (Ibn Taymiyya, Dar’ Ta’arud al-‘Aql wa-l-Naql)
2. Les hadiths mythologiques et anti-scientifiques
- Le Soleil qui se prosterne : « Le soleil se prosterne sous le Trône... » (Boukhari 3199, Muslim 159)
→ Contradictoire avec Sourate 36, Verset 38 : « le soleil court vers un gîte qui lui est assigné ». - La Terre plate : « La Terre est étendue comme un tapis, et les montagnes sont comme des piquets. » (Tabari)
→ Pourtant, Sourate 39, Verset 5 évoque une forme sphérique : « Il enveloppe la nuit sur le jour... » - Les maladies ne sont pas contagieuses : « Pas de contagion, pas de mauvais présage. » (Boukhari 5757)
→ Contradictoire avec : « Fuyez le lépreux comme un lion. » (Boukhari 5707)
3. Les hadiths misogynes et contraires au Coran
- « Si je devais ordonner à quelqu’un de se prosterner devant un autre, j’ordonnerais à la femme de se prosterner devant son mari. » (Tirmidhi 1159)
→ Le Coran n’impose jamais une telle soumission. - « La majorité des habitants de l’Enfer sont des femmes. » (Boukhari 304, Muslim 2737)
→ Aucune mention coranique de cette inégalité.
4. La violence et l’intolérance religieuse
- « Celui qui change de religion, tuez-le. » (Boukhari 6922)
→ Le Coran dit : « Nulle contrainte en religion. » (Sourate 2, Verset 256) - « Combattez les gens jusqu’à ce qu’ils attestent... » (Boukhari 25)
→ Contredit par : « À vous votre religion, et à moi la mienne. » (Sourate 109, Verset 6)
Conclusion : Vers une renaissance de la raison dans l’islam
Il est urgent de rétablir la pensée rationnelle au cœur de la tradition islamique. L’islam n’est pas né dans l’ignorance, mais dans l’éveil intellectuel et spirituel. Des figures comme Ibn Sina, Al-Farabi, Al-Kindi ou Ibn Rochd ont incarné une foi éclairée, où la raison et la révélation dialoguent harmonieusement. Pourtant, leur héritage a été étouffé par des interprétations littéralistes, nourries de hadiths douteux et figées dans le dogme par des autorités religieuses hostiles à toute remise en question.
Une réforme authentique implique :
- La redécouverte de la laïcité coranique : un espace de liberté de conscience et de pluralisme spirituel.
- L’auto-critique à la lumière du Coran et de la raison, non des traditions humaines sacralisées.
- La fin du mythe de l’infaillibilité des oulémas et le rejet de l’autorité des recueils de hadiths comme sources de vérité absolue.
Le Coran ne craint pas la raison. Il l’appelle, l’honore, l’exalte. Le vrai défi, aujourd’hui, est d’avoir le courage de sortir des ténèbres dogmatiques pour retrouver la lumière d’une foi réfléchie. Car c’est par l’intelligence spirituelle que l’islam pourra retrouver son souffle, son sens et sa dignité.
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