Comprendre les types de fautes dans le Coran : Analyse rationnelle des termes "خطأ", "ذنب", "سيئة", "إثم", "جُرم"
Le discours coranique distingue clairement plusieurs types d'actes répréhensibles ou de transgressions, souvent traduits uniformément par « péché » ou « faute ». Une analyse contextuelle rigoureuse du texte révèle toutefois des nuances essentielles. Cet article propose une étude croisée des termes coraniques khaṭaʾ (خطأ), dhamb (ذنب), sayyiʾa (سيئة), ithm (إثم) et jurm (جُرم) afin de dégager leur spécificité dans la logique systémique du Coran.
1. خطأ (Khaṭaʾ) : L’acte fautif non prémédité ou l’erreur de jugement
Le mot khaṭaʾ dérive de la racine خ-ط-ء, qui renvoie à une action commise sans intention malveillante. Il s'agit donc d'une faute au sens d'erreur ou de mauvais choix, souvent involontaire.
📖 Sourate 4:92
وَمَا كَانَ لِمُؤْمِنٍ أَن يَقْتُلَ مُؤْمِنًا إِلَّا خَطَأً
« Une personne de foi ne doit pas tuer une autre personne de foi, sauf par erreur. »
📖 Sourate 33:5
وَلَيْسَ عَلَيْكُمْ جُنَاحٌ فِيمَا أَخْطَأْتُم بِهِ وَلَٰكِن مَّا تَعَمَّدَتْ قُلُوبُكُمْ
« Vous ne serez pas blâmés pour ce que vous avez fait par erreur, mais seulement pour ce que vos cœurs ont prémédité. »
📖 Sourate 17:31
إِنَّ قَتْلَهُمْ كَانَ خِطْئًا كَبِيرًا
« Leur meurtre est une faute grave. »
2. ذنب (Dhamb) : La transgression consciente de l’ordre divin
La racine ذ-ن-ب implique un attachement à une action blâmable, généralement volontaire, parfois motivée par l’ignorance ou l’arrogance.
📖 Sourate 3:135
فَاسْتَغْفَرُوا لِذُنُوبِهِمْ
« Ils demandent pardon pour leurs péchés. »
📖 Sourate 12:29
وَاسْتَغْفِرِي لِذَنبِكِ
« Demande pardon pour ton péché. »
📖 Sourate 12:97
اسْتَغْفِرْ لَنَا ذُنُوبَنَا إِنَّا كُنَّا خَاطِئِينَ
« Pardonne nos péchés, car nous avons fauté. »
3. سيئة (Sayyiʾa) : L’action néfaste, destructrice ou socialement nuisible
Ce terme se distingue par sa connotation d’acte négatif, souvent opposé à ḥasana (bonne action).
📖 Sourate 2:81
مَن كَسَبَ سَيِّئَةً وَأَحَاطَتْ بِهِ خَطِيئَتُهُ
« Celui qui commet une mauvaise action, et que sa faute cerne complètement… »
📖 Sourate 9:102
خَلَطُوا عَمَلًا صَالِحًا وَآخَرَ سَيِّئًا
« Ils ont mêlé une bonne action à une mauvaise. »
4. إثم (Ithm) : L’injustice consciente et immorale
Le mot ithm (إثم) implique un degré de gravité supérieur, proche du crime au sens moral : une injustice consciente et destructrice.
📖 Sourate 4:112
وَمَن يَكْسِبْ خَطِيئَةً أَوْ إِثْمًا ثُمَّ يَرْمِ بِهِ بَرِيئًا
« Quiconque commet une faute ou un crime, puis accuse un innocent, porte un grand mensonge et un péché manifeste. »
5. جُرم (Jurm) : Le rejet systémique de la paix et de la justice
Le mot jurm (جرم), de la racine ج-ر-م, désigne une transgression grave et complète, souvent associée à une hostilité active envers l’ordre juste que symbolise l’état de "salām" (paix, intégrité). Le terme mujrim (مجرم), très fréquent dans le Coran, représente une catégorie de personnes qui s'opposent consciemment et durablement aux principes de justice et de cohésion divine.
Le verset suivant illustre clairement cette opposition structurelle entre deux types humains :
📖 Sourate 68:35
أَفَنَجْعَلُ الْمُسْلِمِينَ كَالْمُجْرِمِينَ
« Allons-Nous traiter ceux qui sont en état de paix et d'engagement (muslimīn) comme les criminels (mujrimīn) ? »
Le mujrim n’est pas simplement un pécheur ; il est l’opposé du muslim, au sens de celui qui accepte et agit selon une loi d’équilibre. Il désigne ainsi celui qui détruit, corrompt ou fait obstacle à toute possibilité de paix (salām) par choix systématique. Cette catégorie regroupe ceux qui nient les signes, exploitent les autres, ou instaurent l’injustice comme norme.
Conclusion : Vers une éthique différenciée de la responsabilité
L’usage nuancé de ces termes dans le Coran plaide pour une conception rationnelle et contextuelle de la faute. Là où le khaṭaʾ peut être corrigé par l’apprentissage, le dhamb exige un éveil moral. La sayyiʾa mesure l’impact social d’un acte, tandis que l’ithm désigne une trahison éthique. Enfin, le jurm représente l’ultime rejet de l’ordre divin, une posture criminelle consciente.
Cette distinction ne relève pas du simple vocabulaire : elle constitue une pédagogie éthique du discernement, où chaque action est évaluée selon l’intention, la conscience et les conséquences. Le Coran nous invite ainsi à sortir d’une lecture simpliste du « péché », pour envisager un système de responsabilités morales et sociales différenciées, où le muslim n’est pas seulement celui qui prie, mais celui qui œuvre pour la justice, contre le mujrim qui s’y oppose.
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