Islam, islamisme et arabisation : la confusion qui sert la domination
Dans le débat kabyle, il est courant d’entendre que « l’islam a perverti l’identité » en imposant une « arabité sacralisée » et une culture importée de chez les Bédouins d’Arabie. Cette accusation, répétée depuis des décennies, repose pourtant sur une confusion majeure : l’islam (au sens du texte coranique) n’est pas équivalent à l’islamisme politique, et encore moins à un programme d’uniformisation culturelle.
Cette confusion n’est pas neutre : elle a longtemps permis au pouvoir de déplacer la responsabilité. Au lieu de reconnaître un projet d’État (langue, école, administration, médias), on a laissé croire que le responsable était « l’islam » — autrement dit, un principe spirituel présenté comme une force historique fatalement destructrice.
1) Islam ≠ islamisme politique
L’islamisme politique est une idéologie de pouvoir : il utilise le religieux comme langage d’autorité, comme police sociale et comme outil de légitimation. Il fabrique des réflexes d’allégeance, impose une norme culturelle unique, et transforme la foi en identité administrative : “tu es avec nous ou contre nous”.
L’islam, au contraire, ne devrait pas être lu comme une “culture bédouine exportée”. Il s’agit d’un texte (le Coran) qui s’adresse aux êtres humains, qui argumente, qui exige la cohérence, la responsabilité et le témoignage. Confondre islam et islamisme, c’est confondre un texte et son instrumentalisation.
2) Le cas Ferhat Mehenni : un déplacement de cible révélateur
Même des figures politiques kabyles ont fini par reconnaître cette confusion. Ferhat Mehenni (MAK) a publiquement admis s’être trompé en accusant “les Arabes” ou “les musulmans” d’être la source des malheurs kabyles, et a déplacé la responsabilité vers ce qui agit concrètement : le pouvoir algérien et son appareil d’ingénierie culturelle.
Ce genre de reconnaissance est important : il coupe court à l’essentialisation (“c’est la faute d’un peuple”), et réoriente l’analyse vers des mécanismes observables : école, médias, administration, production de normes, répression des langues, et fabrication d’un imaginaire national homogène.
3) L’arabe post-coranique : quand une langue devient un outil d’effacement
Dire que la “généralisation de l’arabe post-coranique” a servi à déculturer des peuples n’est pas une provocation : c’est décrire une logique politique classique. Une langue peut être un outil d’émancipation, mais elle peut aussi être transformée en outil de domination lorsqu’elle devient la condition d’accès à l’école, au diplôme, à l’emploi, aux procédures, à la visibilité sociale — et qu’en parallèle les langues locales sont dévalorisées ou empêchées de jouer ce rôle.
Le point central, ici, n’est pas “l’arabe” en soi, mais la construction d’une langue sacralisée et institutionnalisée, coupée de la rationalité du texte, et utilisée comme marqueur d’obéissance culturelle. Autrement dit : on ne promeut pas une langue pour sa capacité à produire du sens, mais pour sa capacité à produire de la soumission.
4) Le vrai responsable : un programme d’État, pas une spiritualité
Si l’on veut être juste, la question doit être posée proprement : ce qui a dégradé la culture kabyle, ce n’est pas un concept spirituel abstrait, mais une politique concrète de domination. Le pouvoir a pu utiliser :
- la langue comme barrière d’accès et comme filtre social ;
- la sacralisation du post-coranique comme capital symbolique ;
- l’islamisme d’État (ou sa menace) comme outil de contrôle ;
- la production scolaire et médiatique comme machine de normalisation.
Accuser “l’islam” revient alors à viser une cible abstraite, tout en laissant intacte la structure responsable : un appareil politique qui organise la dépendance culturelle.
5) Sortir du piège : réconcilier identité, pluralité, et lecture rationnelle
Une lecture lucide permet de tenir ensemble trois vérités :
- La culture kabyle a subi une pression politique réelle d’uniformisation.
- L’islamisme politique est un instrument de pouvoir, pas une foi.
- Le texte coranique n’a pas vocation à effacer les peuples, mais à responsabiliser l’humain.
La clé est donc de refuser la confusion : l’islam n’est pas l’islamisme, et la domination linguistique n’est pas une fatalité religieuse, mais une stratégie politique.
@Amha NathAli, DigneDeFoi.Info

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