🧠📖 Préserver ses “furoûj” ( فرج) : Déconstruction d’un héritage, réhabilitation d’un sens
وَالَّذِينَ هُمْ لِفُرُوجِهِمْ حَافِظُونَ
« Et ceux qui préservent leurs furoûj. »
(Coran 23:5 / المؤمنون)
Une question de sens : le mot « فرج » (f-r-j)
Le mot فرج (furoûj, pluriel de farj) est couramment interprété dans le lexique traditionnel comme désignant les organes génitaux. Cette compréhension, devenue canonique, a réduit les occurrences coraniques du terme à une simple recommandation de chasteté corporelle, comme si le Coran s’adressait d’abord à la chair, et non à la raison. Or, un regard critique et linguistique, nourri d’une logique contextuelle, nous invite à revisiter le sens de ce mot dans la perspective du discours coranique.
La question se pose alors : le Coran a-t-il besoin d’enjoindre à préserver ce que la nature humaine préserve spontanément ?
Un enfant, dès son plus jeune âge, exprime intuitivement la pudeur, voire le rejet d’un contact inapproprié, avant même d’en comprendre les implications sociales ou religieuses. Cela suffit à interroger le bien-fondé d’une lecture centrée uniquement sur l’interdit sexuel.
Une dissonance herméneutique
Prenons à nouveau ce verset :
وَالَّذِينَ هُمْ لِفُرُوجِهِمْ حَافِظُونَ
(23:5 et 70:29)
« Et ceux qui préservent leurs furoûj. »
Si l’on admet que le verbe ḥafiẓa (حفظ) implique une conservation vigilante, une protection consciente, alors le sens du mot furoûj mérite examen. Que protège-t-on ici réellement ? Des corps ou des esprits ? Des organes ou des concepts ?
Le verset Qāf 50:6 élargit le champ sémantique du mot :
أَفَلَمْ يَنظُرُوا إِلَى السَّمَاءِ فَوْقَهُمْ كَيْفَ بَنَيْنَاهَا وَزَيَّنَّاهَا وَمَا لَهَا مِن فُرُوجٍ
« N'ont-ils pas observé le ciel au-dessus d’eux, comment Nous l’avons bâti et embelli, et qu’il ne présente aucune brèche (furoûj) ? »
Ici, furoûj ne peut en aucun cas désigner des organes génitaux. Il est question de failles, d’ouvertures, d’interstices par où pourrait s’infiltrer le chaos dans un édifice parfaitement structuré. Voilà un indice précieux pour réinterpréter les autres occurrences.
Une lecture cosmique : préserver les brèches
Le Coran se veut discours de guidance universelle. Dans cette optique, préserver ses furoûj pourrait bien signifier protéger ses zones de vulnérabilité intellectuelle et spirituelle, ses failles par lesquelles peuvent s’introduire les idées vides, les superstitions, les conditionnements hérités sans discernement.
En d'autres termes : protéger son système de pensée contre les infiltrations du mensonge.
C’est précisément ce que souligne ce passage :
« Si nous avions réellement préservé nos furoûj, aucune superstition du patrimoine n’aurait pu s’y infiltrer. Mais nos furoûj sont ouvertes, offertes à la propagation du faux. »
Ce constat devient d’autant plus pertinent dans les versets qui associent la préservation des furoûj à celle des ṣalawāt :
وَالَّذِينَ هُمْ عَلَىٰ صَلَوَاتِهِمْ يُحَافِظُونَ
(70:34)
« Et ceux qui préservent leurs ṣalawāt. »
Or, comme on le rappelle souvent, la ṣalāt, loin de la gestuelle rituelle codifiée par la tradition, renvoie dans le Coran à une connexion, une mission, un lien conscient avec la guidance divine. Dès lors, il est cohérent d’y associer la préservation de ses points d’entrée à la manipulation mentale et religieuse.
Une cohérence contextuelle : les gens de foi interpellés
Dans les versets 24:30-31, Dieu s’adresse directement aux gens de foi :
قُل لِّلْمُؤْمِنِينَ يَغُضُّوا مِنْ أَبْصَارِهِمْ وَيَحْفَظُوا فُرُوجَهُمْ
« Dis aux gens de foi (hommes) de baisser leurs regards et de préserver leurs furoûj… »
وَقُل لِّلْمُؤْمِنَاتِ يَغْضُضْنَ مِنْ أَبْصَارِهِنَّ وَيَحْفَظْنَ فُرُوجَهُنَّ
« … Et dis aux gens de foi (femmes) de baisser leurs regards et de préserver leurs furoûj… »
La vision traditionnelle y voit une injonction morale à la pudeur sexuelle. Mais cette lecture ignore le couplage du regard (baṣar) et des furoûj : ce que l’on absorbe par la vision influence ce que l’on ouvre en soi. Préserver ses furoûj serait alors garder son esprit imperméable aux images, idées ou illusions qui compromettent la pureté intellectuelle.
Une critique des lectures anciennes
Le prisme juridique et patriarcal du fiqh a limité la portée du message coranique. Il l’a réduit à un livre d’interdits, obsédé par la chair, au lieu d’y lire un code de guidance rationnelle, philosophique, cosmique.
« Il y a deux types d’intelligence : celle, masculine et religieuse, qui voit dans le Coran un code de pureté sexuelle ; et celle, libre et philosophique, qui y cherche une sagesse intemporelle. »
Ce qui s’est transmis au nom du savoir sacré n’est souvent qu’une codification des peurs de l’époque, une lecture de contrôle social, et non une ouverture vers l’autonomie intellectuelle.
Conclusion : Refermer les brèches pour faire émerger la guidance
Le mot farj dans le Coran ne renvoie pas nécessairement au corps, mais aux ouvertures à préserver pour rester aligné avec la sagesse divine. Le vertueux préserve ses furoûj comme il préserve sa ṣalāt : par fidélité à l’intelligence, par protection de sa lucidité.
Le vrai combat spirituel n’est pas de voiler un corps,
mais de garder l’esprit imperméable à l’absurde,
et le cœur perméable à la vérité.
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