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Abraham n’était ni Juif ni Chrétien : lecture rationnelle du verset 3.67

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Verset de référence : مَا كَانَ إِبْرَاهِيمُ يَهُودِيًّا وَلَا نَصْرَانِيًّا وَلَكِن كَانَ حَنِيفًا مُسْلِمًا وَمَا كَانَ مِنَ الْمُشْرِكِينَ [آل عمران 3.67] Traduction non-anachronique : Abraham n’était ni yahūdī ni naṣrānī . Il était ḥanīf — penché du côté de la rectitude —, mouslim — adhérent à la loi universelle —, et il n’était pas de ceux qui associent. 1. Sortir de l’anachronisme Le verset ne parle pas d’ethnies ni de religions historiques. Les mots yahūd et naṣārā désignent des courants de pensée apparus bien après Abraham. Traduire par « Juif » et « Chrétien » projette des catégories postérieures sur un texte antérieur à ces institutions. 2. Le sens de ḥanīf Dans le Coran, ḥanīf désigne une posture méthodologique : quitter les héritages mythiques, observer, douter, comparer, éliminer les hypothèses incohérentes. Abraham incarne cette démarche rationnelle qui « penche vers la rectitude ». 3. Le se...

Kitāb, Qorʾān et Bayt : le système de la connaissance rationnelle selon le Coran

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Le Coran mentionne plusieurs « Livres » révélés : le Tawrāt (Torah), l’ Injīl (Évangile), le Zabūr (Psaumes) et enfin le Kitāb . Mais s’agit-il réellement de textes distincts, ou d’un seul et même système de lois et de savoirs universels, transmis à des peuples différents selon leur langue et leur époque ? 1. Le mot Kitāb — écrire ou établir ? Le mot kitāb (كتاب) dérive de la racine K-T-B (كتب) dont le sens premier est « lier, structurer, inscrire une loi ». Il ne s’agit pas nécessairement d’un objet écrit, mais plutôt d’un ensemble cohérent de règles ou de décrets . C’est ce même mot qui apparaît dans des expressions comme : 📖 كُتِبَ عَلَيْكُمُ الصِّيَامُ (2.183) — “Un système de SAWM vous a été établi.” Ainsi, le kitāb ne désigne pas un volume relié, mais une structure normative , un ensemble d’enseignements systématiques. 2. Les trois autres « Livres » cités 🔹 Tawrāt (التوراة) — souvent traduit par « Torah ». La racine W-R-Y (وري) é...

Djinn, Sheitan : entre mythe et réalité humaine

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11/10/2025 Le mot djinn (جنّ) évoque pour la tradition religieuse des êtres invisibles, faits de « feu » et capables d’agir dans le monde des humains. Cette conception, profondément ancrée dans l’imaginaire collectif, résulte d’une lecture littérale et mythique du Coran. Pourtant, une analyse rigoureuse du texte révèle que le mot « djinn » peut désigner une catégorie de personnes humaines — des individus puissants, intelligents ou influents, exerçant une domination sur les autres (« ins »). Plusieurs versets vont dans ce sens : [#6.128] وَيَوْمَ يَحْشُرُهُمْ جَمِيعًا يَا مَعْشَرَ الْجِنِّ قَدِ اسْتَكْثَرْتُمْ مِّنَ الْإِنسِ... « Le jour où Il les rassemblera tous : “Ô assemblée des djinns, vous avez multiplié vos adeptes parmi les humains.” Et leurs alliés parmi les humains diront : “Seigneur, nous avons profité les uns des autres…” » Ce verset montre une relation d’influence et d’intérêt mutuel entre deux groupes humains : ceux appelés “djinns”, qui...

K-T-B : le “Kitāb” comme architecture des règles — ni manuscrit tombé du ciel, ni simple « livre »

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Dans le Coran, K-T-B ne renvoie pas d’abord à l’écriture matérielle, mais à l’acte de consigner ou fixer des règles dans un système. Le Kitāb est un registre normatif vivant : ce qui « descend » ( tanzīl ) n’est pas un cahier, mais un programme intelligible qui gouverne l’arbitrage entre les humains. D’où l’insistance sur l’écoute et l’intellection, plutôt que sur la réception d’un manuscrit tangible. 1. Tanzīl : transfert d’instructions, non livraison de rouleaux [#6.7] وَلَوْ نَزَّلْنَا عَلَيْكَ كِتَابًا فِي قِرْطَاسٍ فَلَمَسُوهُ بِأَيْدِيهِمْ لَقَالَ الَّذِينَ كَفَرُوا إِنْ هَٰذَا إِلَّا سِحْرٌ مُّبِينٌ FR (analytique) : Même si un Kitāb était « descendu » sur parchemin qu’ils pourraient toucher, les négateurs diraient : « Ce n’est qu’une magie manifeste. » → Le texte nie l’hypothèse d’un colis matériel comme critère de vérité. [#5.83] وَإِذَا سَمِعُوا مَا أُنْزِلَ إِلَى الرَّسُولِ تَرَى أَعْيُنَهُمْ تَفِيضُ م...

Kofr VS Chokr الكفر ↔ الشكر

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الكُفْر (voiler) ↔ الشُّكْر (manifester) Thèse (FR). kfr (كفر) signifie cacher / voiler la vérité (proche de ẓlm ظلم : tromper, brouiller). À l’inverse, chkr (شكر) n’est pas “remercier” au sens social : c’est manifester le bien reçu, rendre visible la vérité et en diffuser le bienfait . Dans le Coran, الشُّكْر s’oppose ainsi à الكُفْر . الكُفْرُ في لسانِ القرآنِ كَتْمُ الحقيقةِ وستْرُها، وقريبٌ منه الظُّلم بما فيه من تلبيسٍ وخداع. وأمّا الشُّكرُ فليس مجردَ شكرٍ لسانيّ، بل هو إظهارُ النعمةِ وإبرازُ الحقيقةِ ونشرُ الخير؛ فهو نقيضُ الكفر والظلم. Versets témoins البقرة ٢:١٥٢ — Al-Baqarah 2:152 فَٱذْكُرُونِىٓ أَذْكُرْكُمْ وَٱشْكُرُوا۟ لِى وَلَا تَكْفُرُونِ Souvenez-vous de Moi, Je me souviendrai de vous. Manifestez (pour Moi) et ne cachez pas. المائدة ٥:٨٩ — Al-Mâ’idah 5:89 لَا يُؤَاخِذُكُمُ ٱللَّهُ بِٱللَّغْوِ ف...

Al-Azhar : fabrique d’un islam de soumission

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« L’université Al-Azhar fut d’abord un outil de propagande chiite, devint ensuite un jouet du sunnisme politique, avant d’être adoptée par les colonialismes français et britannique… Aujourd’hui, elle est le minaret préféré des dictateurs. » Pendant des siècles, on a présenté Al-Azhar comme le phare de la connaissance islamique, l’autorité suprême en matière de religion, le bastion de la foi contre l’ignorance. Mais une question s’impose : et si cette université, adulée par les masses, avait en réalité toujours été une institution politique ? Une courroie de transmission du pouvoir — fut-il califal, colonial ou militaire ? 1. Une naissance chiite au service de la propagande Al-Azhar a été fondée au Xe siècle (359 h. / 970 ap. J.-C.) par les Fatimides, une dynastie ismaélienne chiite qui gouvernait l’Égypte. L’objectif était clair : convertir l’Égypte sunnite au chiisme . L’université n’était donc pas un lieu neutre de recherche théologique, mais un...

📘 Le messager dans le Coran : l’homme ou le message ?

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Étude des racines ر-س-ل (envoyer) et ن-ز-ل (faire descendre) Le Livre rayonnant proclame : « أنا هو الرسول » — les messagers humains reçoivent tous le même message (Adam, Noé, Abraham, Moise, Jésus, Mohammed...) 🔍 Introduction Dans la lecture traditionnelle, le mot « رسول » (messager) désigne presque toujours un être humain envoyé par Dieu. Pourtant, le Coran distingue deux actions très précises : أرسل – envoyer un humain نزل – faire descendre un message Or, certains versets associent le mot رسولًا à ce qui est descendu (نزل) plutôt qu’à un homme envoyé (أرسل). Cela suggère que le véritable messager est parfois le Livre lui-même . 📖 Le cas du verset 65:10-11 قَدْ أَنزَلَ ٱللَّهُ إِلَيْكُمْ ذِكْرًا ۝ رَّسُولًا يَتْلُوا۟ عَلَيْكُمْ ءَايَـٰتِ ٱللَّهِ مُبَيِّنَـٰتٍۢ « Dieu vous a fait descendre un Rappel — un Messager — qui vous récite les versets de Dieu, clairement exposés. » Coran 65:10–11 Ce messager est lié ici à ce ...